Votre adolescent traverse une période de tourmente intérieure et vous avez remarqué d’inquiétantes marques sur sa peau. Vous vous demandez avec angoisse s’il ne s’agirait pas de scarifications, ces blessures qu’on s’inflige volontairement pour extérioriser une douleur psychique. Sachez que vous n’êtes pas seul face à cette épreuve. En France, près d’un adolescent sur cinq aurait déjà eu recours à l’automutilation. Derrière ce geste se cache un mal-être profond qu’il est crucial de décoder. Cet article a pour but de vous éclairer sur les ressorts de ces comportements auto-agressifs et de vous donner quelques pistes pour aider votre enfant à surmonter ses blessures intimes.
Qu’est-ce que la scarification et pourquoi certains adolescents s’y adonnent ?
Définition et différents types de scarifications
Les scarifications recouvrent tous les gestes destinés à se faire volontairement du mal en entaillant, brûlant ou griffant sa peau. Coupures superficielles ou incisions plus profondes, avec des objets tranchants (lames de rasoir, ciseaux, morceaux de verre) ou par d’autres moyens (brûlures de cigarette, coups, griffures…), ces blessures laissent des cicatrices physiques mais surtout psychiques. Au-delà de la douleur corporelle, c’est une souffrance intime indicible que l’adolescent tente d’exprimer et d’apaiser.
Les causes psychologiques : mal-être, gestion des émotions, troubles associés
Contrairement aux idées reçues, la scarification n’est pas une tentative de suicide mais plutôt un moyen paradoxal de s’accrocher à la vie, de métamorphoser une douleur morale en souffrance physique, de reprendre le contrôle quand tout semble échapper. Par ce geste, l’adolescent cherche à évacuer des émotions ou des pensées envahissantes qu’il ne parvient pas à gérer autrement : sentiment d’abandon, d’incompréhension, de vide intérieur, de mal-être diffus… Parfois, la scarification accompagne des troubles anxieux, dépressifs, borderline ou post-traumatiques.
L’influence des pairs et des réseaux sociaux
À l’adolescence, la quête identitaire et le besoin d’appartenance au groupe de pairs sont exacerbés. Certains jeunes en souffrance psychique découvrent la scarification au contact d’amis qui s’y adonnent déjà ou via les réseaux sociaux où circulent des images de blessures associées à un certain romantisme morbide. Sans aller jusqu’à parler d’effet de mode, force est de constater que les scarifications sont de moins en moins taboues et de plus en plus banalisées chez les ados en mal d’eux-mêmes et du monde.
La scarification comme conduite à risque à l’adolescence
Au même titre que l’usage de drogues ou l’anorexie, les scarifications font partie de ces conduites à risque qui traduisent un profond désarroi à un âge où tout bascule – le corps, les émotions, les relations. Face aux défis de cette période charnière, certains adolescents plus vulnérables mettent en danger leur intégrité physique, comme pour tester leurs limites et celles de leur entourage. Un appel au secours qu’il est essentiel d’entendre au plus vite.
Les signes qui doivent alerter les parents
Les signes physiques : plaies, cicatrices, dissimulation du corps
Les blessures auto-infligées se concentrent souvent sur les bras, les poignets, les cuisses ou le ventre, des zones faciles d’accès et à dissimuler sous des vêtements longs. Si votre adolescent refuse soudain de se mettre en maillot ou en tee-shirt, s’il porte des manches longues même en plein été, cela peut cacher des scarifications. Soyez attentif aux plaies suspectes, aux cicatrices récentes comme plus anciennes, aux pansements ou bandages répétés.
Les signes psychologiques : repli sur soi, irritabilité, troubles alimentaires ou du sommeil
Un adolescent qui se scarifie est souvent en proie à une grande détresse psychologique. Il peut se montrer plus renfermé, irritable, à fleur de peau, éviter les contacts. Des troubles du comportement alimentaire (anorexie, boulimie) ou du sommeil (insomnies, cauchemars) peuvent aussi être le signe d’un mal-être sous-jacent. Si votre enfant semble avoir perdu sa joie de vivre, s’il n’est plus investi dans ses activités favorites, cherchez à comprendre ce qui se cache derrière ce changement.
Les signes comportementaux : absentéisme scolaire, consommation de drogues, fugues
Un adolescent en souffrance aura souvent tendance à s’éloigner du cadre scolaire où il doit faire bonne figure. Les absences répétées au collège ou lycée sont donc un signal d’alerte, tout comme un décrochage brutal des résultats. D’autres comportements à risque peuvent être associés aux scarifications : consommation excessive d’alcool ou de drogues, conduites dangereuses, fugues… Autant de façons pour l’ado de crier son mal-être et de tenter d’y échapper.
Que faire quand on découvre que son adolescent se scarifie ?
L’importance de rester calme et à l’écoute
Découvrir que son enfant se blesse volontairement est un choc pour tout parent. Votre premier réflexe sera peut-être de hurler votre effroi et votre incompréhension. Mais pour aider votre adolescent, il est crucial de ravaler vos émotions et d’adopter une attitude la plus calme et rassurante possible. Evitez les questions pressantes, les remarques alarmistes ou les reproches culpabilisants qui ne feraient que le braquer. Montrez-lui plutôt que vous êtes là, disponible et à l’écoute quand il sera prêt à se confier.
Oser aborder le sujet sans dramatiser ni banaliser
Ne faites pas comme si vous n’aviez rien vu, sous prétexte que votre ado fait tout pour cacher ses blessures. Il est essentiel de mettre des mots sur ses maux, avec tact et délicatesse. Trouvez le bon moment pour aborder le sujet, dans un cadre intime et sécurisant. Nommez ce que vous avez remarqué, dites votre inquiétude mais aussi votre volonté de comprendre et d’aider, sans jugement. Encouragez votre ado à mettre des mots sur ce qu’il traverse, sans le brusquer.
Exprimer son inquiétude et sa volonté de venir en aide
Votre adolescent doit sentir que vous êtes de son côté, que vous n’êtes pas là pour le sermonner mais pour le soutenir face à cette souffrance qu’il s’inflige faute de savoir l’exprimer autrement. Dites-lui que vous comprenez que quelque chose ne va pas, que vous êtes là pour l’aider à surmonter cette épreuve. Reconnaissez sa douleur sans pour autant cautionner son geste. Rappelez-lui qu’il n’est pas seul, que sa vie et son bien-être vous importent plus que tout.
Essayer de comprendre ensemble les raisons de ce mal-être
Au-delà du geste, c’est le mal-être sous-jacent qu’il faut tenter de cerner. Votre adolescent traverse peut-être une crise existentielle, un chagrin d’amour dévastateur, un harcèlement scolaire, un traumatisme passé… En explorant avec douceur et patience les causes de sa souffrance, vous l’aiderez à mettre du sens sur ce symptôme et à trouver d’autres façons de l’exprimer et de l’apaiser. Gardez à l’esprit qu’il n’est pas toujours facile pour un ado de se livrer à ses parents. Respectez son jardin secret tout en lui assurant votre présence indéfectible.
Comment aider au quotidien un adolescent qui se scarifie ?
Maintenir la communication et des moments privilégiés avec son adolescent
Pour restaurer un climat de confiance et maintenir le fil du dialogue, multipliez les petits moments de complicité et d’échange avec votre ado : autour d’un jeu, d’un film, d’un repas… Intéressez-vous à son univers, à ses passions, sans l’assaillir de questions. Valorisez ses qualités et ses compétences pour renforcer son estime personnelle mise à mal. Faites-lui sentir que sa parole est libre et précieuse, qu’il a le droit d’exprimer ses émotions sans crainte d’être jugé ou rejeté.
L’encourager à exprimer ses émotions par d’autres biais
Pour sevrer progressivement votre adolescent de son recours aux scarifications, aidez-le à trouver des alternatives pour exprimer et réguler ses tensions internes : tenir un journal intime, s’adonner à une activité artistique (dessin, musique, écriture…), pratiquer un sport, s’engager dans une cause… Toute occupation qui canalise son énergie psychique dans un but positif et créatif est bonne à prendre. Mettez aussi à sa disposition des objets apaisants (balle antistress, fidget toys…) et apprenez-lui quelques techniques de relaxation simples.
Favoriser un environnement familial stable et sécurisant
Pour contrecarrer le mal-être de votre ado, veillez à lui offrir un cocon familial aimant et rassurant, où il se sente reconnu et valorisé. Instaurez des repères stables dans une période chamboulée : rituel du dîner, activités familiales, règles claires et cohérentes… Soyez à l’écoute des besoins de votre adolescent en quête d’indépendance tout en lui rappelant le cadre protecteur et les limites à ne pas franchir. Cultivez l’empathie et la bienveillance, surtout quand les relations sont tendues.
L’orienter vers des ressources en ligne et des lignes d’écoute
Parfois, un adolescent préfère se livrer à un interlocuteur anonyme plutôt qu’à ses proches. N’hésitez pas à l’orienter vers des lignes d’écoute spécialisées comme Fil Santé Jeunes, joignable par téléphone (0800 235 236) ou par tchat. Des forums et sites sur les scarifications animés par des professionnels peuvent aussi lui permettre d’échanger avec d’autres jeunes concernés et de trouver de l’aide à distance. En parallèle, constituez-vous une liste de contacts utiles (médecin, psy, associations…) en prévision d’une aggravation.
Quand consulter un professionnel et comment trouver de l’aide
En parler au médecin traitant qui pourra diriger vers un psy spécialisé
Si malgré vos efforts, votre adolescent semble s’enfoncer dans un mal-être persistant, n’hésitez pas à en parler à votre médecin de famille. Il pourra ausculter ses blessures, évaluer la gravité de son état psychique et l’orienter vers un psychologue ou un psychiatre spécialisé dans les troubles des adolescents. La prise en charge peut se faire en libéral, en CMP (centre médico-psychologique) voire à l’hôpital en cas de scarifications profondes et répétées.
Contacter les structures spécialisées (maisons des adolescents, CMP)
Au sein des maisons des adolescents, votre enfant trouvera un lieu d’accueil, d’écoute et de soins confidentiel et gratuit, avec une équipe pluridisciplinaire (psychologues, éducateurs, médecins…) habituée à décrypter la souffrance adolescente. Les CMP proposent des suivis psychothérapeutiques pris en charge par la sécurité sociale.
Se tourner vers les associations de soutien aux parents
Pour ne pas vous sentir démuni face à la détresse de votre ado, faites-vous épauler par des associations comme la Fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs. En participant à des groupes de parole, vous pourrez échanger avec d’autres parents confrontés aux conduites à risque, partager vos questionnements et puiser des pistes de réflexion pour mieux accompagner votre enfant. Des entretiens individuels avec un professionnel sont aussi possibles pour vous guider dans votre rôle d’adulte référent.
Envisager une thérapie familiale pour restaurer le dialogue et renforcer les liens
Dans certains cas, les scarifications peuvent révéler un dysfonctionnement plus large au sein du système familial (conflit conjugal, fratrie en rivalité, deuil non fait, secret de famille…). Entamer une thérapie familiale avec un thérapeute expérimenté permet alors de remettre du liant et du sens dans les relations abîmées, de déminer les non-dits, de réajuster les places et rôles de chacun. Votre enfant en crise pourra ainsi se sentir à nouveau intégré et soutenu dans sa famille, ce socle vital pour s’épanouir.